Introduction à la notation siteswap
Article proposé par Etienne Châtaignier.
Corrections et précisions par unautreleo.
Le 24/03/2007.
I - INTRODUCTION
Le siteswap, qu'est-ce que c'est ?
Le siteswap, qui peut se traduit littéralement par « permutation de place », est une notation utilisée pour décrire les temps que passent les objets entre chaque lancé lors du jonglage d'une figure. Ce nom provient d'une propriété particulière de la notation qui permet de permuter l'ordre d'atterrissage de deux lancers.
Le siteswap, à quoi ça sert ?
Concrètement, le siteswap est utile pour :
- mieux appréhender la rythmique du jonglage
- communiquer des figures avec d'autre jongleurs plus facilement
- trouver des figures qu'on aurait eu beaucoup de mal à imaginer sans la notation siteswap
De quoi traite exactement cet article ?
Le présent article propose de vous initier à la lecture du siteswap, en faisant le moins possible référence aux mathématiques et en prenant des exemples très concrets.
Dans un premier temps, nous parlerons des siteswaps asynchrones, c'est-à-dire lorsque la notation décrit des lancers alternés de la main gauche et de la main droite.
Dans un second temps, nous aborderons les siteswaps synchrones, c'est-à-dire lorsque la notation décrit des lancers simultanés de la main gauche et de la main droite.
II – LES SITESWAPS ASYNCHRONES
Les siteswaps asynchrones sont des siteswaps qui définissent des figures avec des lancers alternés entre la main gauche et la main droite. Cela signifie qu'à chaque chiffre/lettre du siteswap, la main qui lance est différente de celle qui a lancé le chiffre/lettre précédent.
Par exemple sur le siteswap 97531 en commençant de la main droite, le 9 est lancé de la main droite, le 7 de la main gauche, le 5 de la main droite, le 3 de la main gauche, le 1 de la main droite.
Dans un premier temps, nous aborderons chaque lancer indépendamment. Puis nous combinerons ces lancers afin de mieux comprendre la notation siteswap.
1 – Les lancers simples
La notation des siteswaps asynchrones est très simple. Elle se limite à une suite de chiffres et/ou de lettres qui indiquent le temps passé entre le moment du lancer d'un objet et le moment où l'objet sera lancé de nouveau.
Ce temps comporte une phase que l'objet passe en l'air, et une phase où l'objet est dans la main au moment de rattraper cet objet. Le moment passé dans la main est communément appelé le dwell time.
Exemples :
- 0 : 0 : Il se passe 0 temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. C'est évidemment physiquement impossible, ce temps particulier décrit donc un temps où une main se retrouve vide.
- 1 : Il se passe un temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. Voir la vidéo
- 2 : Il se passe deux temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. Le 2 peut représenter une balle lancée très bas ou une balle gardée en main. Voir la vidéo
- 3 : Il se passe trois temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. Voir la vidéo
- 4 : Il se passe quatre temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. Voir la vidéo
- 5 : Il se passe cinq temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. Voir la vidéo
- 6 : Il se passe six temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet. Voir la vidéo
- ...
- 9 : Il se passe neuf temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet.
- a : Il se passe dix temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet.
- b : Il se passe onze temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet.
- c : Il se passe douze temps entre le premier et le deuxième lancé de l'objet.
- etc.
Vous aurez peut-être remarqué une chose sur les vidéos précédentes, c'est que les chiffres impairs représentent des lancers qui sont lancés d'une main et rattrapé par l'autre main, des lancers croisés.
Les chiffres pairs, eux, représentent des lancers qui sont lancés d'une main et rattrapé par la même main, des lancers décroisés.
2 – Exemples avec des lancers simples
Afin d'illustrer comment ces lancers simples peuvent être combinés afin de décrire les temps d'une figure, prenons un siteswap jonglable à 2 objets.
Ce siteswap est « 312 ». Nous verrons dans la partie Validation d'un siteswap asynchrone comment déterminer le nombre d'objets d'un siteswap donné.
Regardez la vidéo ci-dessous afin de visualiser le temps des balles :
Le 3 décrit la balle lancée en cloche d'une main vers l'autre.
Le 1 décrit la balle lancée à l'horizontal entre les deux mains.
Le 2 décrit la balle lancée très bas d'une main vers elle-même.
Afin de vous convaincre que la notation siteswap décrit uniquement les temps des lancers des figures, regardez cette deuxième vidéo sur laquelle vous pouvez voir une figure différente, qui pourtant est jonglée avec le même siteswap.
Ici, le 1 est le passage des balles d'une main à l'autre qui se touchent presque.
Le 2 représente les deux temps nécessaires pour passer la balle de la paume de la main vers le dos de la main.
Le 3 représente le même lancer en cloche que précédemment.
Si vous n'êtes toujours pas convaincu, voici une autre vidéo qui devrait vous convaincre :
Ici, le 2 est lancé par une main par-dessus le bras opposé, et rattrapé sous le bras opposé.
Le 3 est lancé bras croisés par la main se trouvant au-dessus.
Le 1 est lancé comme sur la première vidéo.
Il peut arriver qu'un siteswap noté d'une certaine façon ne soit pas forcément représentatif de la façon dont vous avez conscience de commencer un siteswap.
Dans tous les cas, le siteswap 312 peut se noter 231 ou 123, bien que par convention on notera toujours le siteswap de façon à ce que le temps le plus grand soit en première position.
Pourquoi cela est-il possible ? Parce qu'un siteswap est circulaire. Cela signifie que le siteswap peut être répété autant de fois que désiré.
Cela veut dire que si vous enchaînez le siteswap 312 cinq fois de suite, vous réaliserez un 312312312312312. Toutefois, de par le fait qu'un siteswap est circulaire, la notation se limitera à 312. Le nombre de répétition d'un siteswap est laissé à l'appréciation de chacun.
3 – Les lancers en multiplex
Qu'est-ce qu'un lancer en multiplex ? C'est un lancer ou plusieurs balles sont lancées en même temps de votre main.
Voici l'exemple d'un lancer multiplex à 2 balles :
Ce lancer est noté [42].
2 balles sont lancées en même temps.
Pour représenter le fait que 2 balles sont lancées en même temps de la même main, on entoure les deux temps du lancer par [].
Remarquez que d'une main, vous pouvez lancer simultanément 2 balles à des temps différents.
De la même façon, vous pouvez lancer autant de balles que cela vous est possible de la même main au même moment.
Voici un exemple de lancer à trois balles :
4 – Validation d'un siteswap asynchrone
Un siteswap est basé sur des règles mathématiques. Ainsi, toutes les combinaisons de chiffres/lettres ne sont pas valides.
Il vous est par exemple impossible de jongler ce siteswap : 23.
Pourquoi ?
D'un siteswap, on peut calculer sa période et sa somme. La somme d'un siteswap, c'est la somme de tous les chiffres le composant. Ainsi, la somme du présumé siteswap 23 est : 2+3=5.
La période d'un siteswap, c'est le nombre de lancers constituant le siteswap. Pour le siteswap 23, nous avons 2 lancers.
Pour qu'un siteswap soit valide, il faut que la moyenne des lancers soit un nombre entier (un nombre sans virgule).
Calculons la moyenne des lancers du présumé siteswap 23 :
période = 2
somme = 5
5/2 = 2,5.
2,5 n'étant pas un nombre entier, il est impossible de jongler ce siteswap.
La moyenne des lancers d'un siteswap représente le nombre d'objets à utiliser pour pouvoir jongler ce siteswap. Ici, il vous faudrait 2,5 balles ou 2,5 massues pour pouvoir jongler ce siteswap, ce qui paraît très difficile.
Prenons maintenant une autre combinaison de chiffres/lettres qui satisfait la contrainte de la moyenne. Prenons par exemple 321.
La somme de ce siteswap présumé est : 3+2+1=6.
La période de ce siteswap présumé est : 3 (il y a 3 lancers, 3 puis 2, puis 1)
La moyenne de ce siteswap présumé est : 6/3 = 2.
2 est bien un nombre entier. Nous pourrions en déduire que le siteswap présumé 321 est valide.
Ce n'est malheureusement pas le cas.
Il faut, en plus de la règle précédente, que les objets retombent dans une configuration qui permettent de répéter le siteswap, puisqu'il est circulaire.
Or, le siteswap présumé 321 ne satisfait pas cette contrainte. En effet, à chaque lancer, un temps est consommé. Ce qui signifie qu'au moment où le 2 est lancé, le 3 lancé précédemment n'a plus que 2 temps à passer en l'air, c'est-à-dire le même temps que l'objet lancé en 2. Ainsi, le 3 et le deux retomberont en même temps dans la même main. Il est alors impossible de pouvoir réitérer 321 une nouvelle fois.
Pour vous en convaincre, voici une vidéo de 321 :
On voit bien qu'une fois exécuté le 321, il est impossible de la répéter une seconde fois, car une main n'a aucune balle à lancer. Cette contrainte de circularité est obligatoire pour qu'un siteswap puisse être valide.
Comment vérifier une fois pour toute qu'un siteswap est valide ?
Voici une des méthodes simples utilisées pour être sûr qu'un siteswap est valide :
Ecrivez le siteswap sur un papier :
Siteswap invalide : 321
Siteswap valide : 534
Déterminez le temps sur lequel va retomber chaque balle en notant par un point l'endroit où va retomber le 3.
Siteswap 321 invalide :
321 : Le 3 va retomber sur lui-même :
Le 2 va retomber sur le 3 :
Le 1 va retomber sur le 3 :
Il faut absolument un et un seul point sur chaque chiffre pour que le siteswap considéré soit valide.
Le siteswap 321 est donc invalide.
Siteswap 534 valide :
Le 5 va retomber sur le 4 :
Le 3 va retomber sur le 3 :
Le 4 va retomber sur le 5 :
Il y a bien un point par lancer, le siteswap 534 est donc valide.
Cette méthode à l'avantage de valider à la fois la contrainte de moyenne et la contrainte de circularité du siteswap.
En ce qui concerne les siteswaps contenant des lancers en multiplex, il faut considérer que les lancers entre crochets représentent un temps pour la période.
Exemple pour un siteswap avec un lancer multiplex :
41[41]2 :
Somme : 4+1+4+1+2 = 12
Période : 4
Nombre d'objets : 12/4 = 3 objets.
Validation du siteswap 41[41]2 :
Le premier 4 va retomber sur lui-même :
Le premier 1 va retomber sur [41] :
Le 4 du multiplex va retomber sur [41] :
Le 1 du multiplex va retomber sur le 2 :
Le 2 va retomber sur le premier 1 :
Ici, on voit qu'il y a 2 points sur le multiplex [41], ce qui est normal car on lancer bien 2 objets sur ce temps là.
Le siteswap 41[41]2 est donc valide.
6 – Siteswaps nécessitant une séquence d'entrée et une séquence de sortie
Les siteswaps que nous avons vu précédemment sont des siteswaps dits « vanille » (vanilla siteswap) et sont accessibles directement à partir du temps de base du nombre d'objet jonglés.
Il se trouve que certains siteswaps ne sont jonglables qu'après avoir exécuté une séquence d'entrée.
Cela veut dire que ce sont des siteswaps qui ne peuvent pas être jonglés directement à partir d'une configuration classique du nombre d'objets considérés.
Prenons le siteswap 450 et vérifions sa validité :
Le 4 :
Le 5 :
Le 0 :
Nous avons bien un et un seul point par temps lancé. Le siteswap 450 est donc valide.
C'est un siteswap à 3 objets.
Et pourtant, si vous partez de la cascade 3 balles, vous ne pourrez pas jongler directement ce siteswap. Ceci est dû au fait que le siteswap 450 n'est pas dans le même état initial que le siteswap 3. Cette particularité est dû à la théorie des automates que je n'aborderai pas ici.
Il vous suffit de savoir que de tels siteswaps existent.
Pour pouvoir jongler 450, il va donc falloir passer par une étape intermédiaire afin de se retrouver dans le même état initial que le siteswap 450.
Il y a plusieurs façon d'y arriver.
Par convention, on choisit généralement la séquence d'entrée avec la période la plus courte.
Ici, vous pouvez « rentrer » dans le 450 par la séquence d'entrée 4.
Mais, afin de retourner à l'état initial du 3, vous devez passer par une séquence de sortie.
Ici, cela peut-être 2.
Les séquences d'entrée sont séparées du siteswap par un espace, ce qui donne ici :
4 450 2
Visualisez la vidéo ci-dessous afin de comprendre le mécanisme :
Toutefois, plusieurs séquences d'entrée peuvent être valides pour entrer dans l'état initial voulu.
Ainsi, pour le siteswap 450, la séquence d'entrée « 451 » fonctionne tout aussi bien que la séquence d'entrée « 4 ».
Ce qui donne 451 450 2.
Pour information, les siteswaps qui sont dans le même état initial que le siteswap de base du nombre d'objets jonglés sont appelés vanilla siteswaps.
Ainsi, le siteswap 441 est un vanilla siteswap parce qu'il est dans le même état que le siteswap 3 (considéré comme le siteswap de base quand on jongle à 3 objets), alors que 450 ne l'est pas puisqu'il faut passer par une séquence d'entrée pour pouvoir le jongler.
7 – Remarques générales sur les siteswaps asynchrones
En fonction de la parité de la période d'un siteswap, on peut déterminer si le siteswap sera répété toujours du même côté, ou bien si les lancers s'effectueront avec les mains inversées d'un tour sur l'autre.
Ainsi, les siteswaps avec une période impaire seront répétés en changeant de côté, alors que les siteswaps à période paire seront répétés toujours du même côté.
III – LES SITESWAPS SYNCHRONES
Les siteswaps synchrones sont des siteswaps qui définissent des figures avec des lancers simultanés de la main gauche et de la main droite.
1 – Détail de la notation des siteswaps synchrones
Afin de représenter le fait que les deux mains lancent en même temps, on écrit un couple de lancers.
Ce couple est noté (lancer1,lancer2) ou lancer1 représente le lancer de la première main et lancer2 représente le lancer de la seconde main.
Ainsi, on peut écrire le siteswap suivant : (4,2)
Ce qui se traduit par ceci :
En notation synhcrone, on ne peut écrire que des chiffres pairs. Pourquoi ?
Parce que la notation omet sciemment de noter les temps vides.
En réalité, (4,2) devrait s'écrire (4,2)(-,-).
Comment noter alors les lancers croisés ?
Pour noter les lancers croisés, on utilise un x après le chiffre/lettre notant le temps de lancer.
On peut ainsi écrire le siteswap suivant : (4x,2x)
Pour simplifier, dans un premier temps et tout en gardant à l'esprit que cela est faux, vous pouvez considérer qu'un 2x est l'équivalent d'un 1 en notation asynchrone, un 4x, l'équivalent d'un 3, un 6x l'équivalent d'un 5, etc.
Notez bien que cette astuce sert uniquement à mieux comprendre au début la notation synchrone, mais qu'elle est mathématiquement fausse.
Simplification de la notation pour certains siteswaps synchrones
Prenons le siteswap (4,2x)(2x,4).
Vous remarquerez que le second membre de l'expression est le miroir de la première.
Inversez les lancers dans (4,2x), vous obtiendrez (2x,4).
Lorsqu'un tel siteswap se présente, par souci de concision, le siteswap est noté (4,2x)*.
Vous pourriez tout aussi bien noter : (2x,4)*, mais par convention, on note le plus grand temps de lancer en premier.
Notez que les calculs de somme et de période d'un tel siteswap se fait sur (4,2x)(2x,4), le * n'est là que pour alléger la notation.
2 – Validation d'un siteswap synchrone
Pour valider un siteswap synchrone, il faut remplir exactement les même conditions que pour un siteswap asynchone.
Reprenons le siteswap (4,2x)* :
La somme du siteswap est : 4+2+2+4 = 12.
La période du siteswap est : 4
Le siteswap (4,2x) est donc un siteswap jonglable à 12/4 = 3 objets.
Pour faciliter la compréhension, les temps qui sont sous-entendus dans la notation seront écrits ci-dessous.
Pour le premier 4 :
Pour le premier 2x :
Pour le second 2x :
Pour le second 4 :
Nous avons bien un et un seul point sur chaque lancer du siteswap, le siteswap (4,2x)* est donc valide.
IV – CONCLUSION
Nous avons abordé dans cet article les bases nécessaires à la compréhension de la notation siteswap pour un jongleur.
Nous en sommes pas rentrés dans les détails mathématiques de la notation (changement d'état, pile d'état, etc.), nous n'avons pas non plus exploré la notation adaptée au passing ni la notation MHN (Multi-Hand Notation, notation permettant de noter un jonglage à n mains).
Sachez toutefois que la notation siteswap que nous avons décrite ici représente un sous-ensemble de la notation MHN.
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l'article sur wikipedia, le site Siteswap.org, ou encore l'article de Didier Arlabosse.